Biographie

Sunday, March 26, 2006

Biographie



Apollinaire, Guillaume (1880-1918)



Porte-parole de la modernité, il est le précurseur du surréalisme



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[Guillaume Apollinaire], par Henri Frick




Guglielmo Alberto Kostrowitzky est né à Rome le 26 août 1880. Guillaume ne sera déclaré officiellement que 5 jours après sa naissance par une sage-femme, sa mère ne le reconnaîtra que le 2 novembre. En 1882 naît un deuxième enfant : Alberto qui lui ne sera reconnu que 6 mois plus tard. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’Angelica est loin de se presser pour déclarer les enfants à l’administration. et après choisit Apollinaire pour nom de plume-écrivain français.

Guglielmo Alberto Kostrowitzky est né à Rome le 26 août 1880. Guillaume ne sera déclaré officiellement que 5 jours après sa naissance par une sage-femme, sa mère ne le reconnaîtra que le 2 novembre. En 1882 naît un deuxième enfant : Alberto qui lui ne sera reconnu que 6 mois plus tard. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’Angelica est loin de se presser pour déclarer les enfants à l’administration.
Apollinaire est né de père inconnu, ou plus exactement dont on a longtemps ignoré l’identité. On sait à présent qu’il s’agit d’un ancien officier au caractère très violent, Francesco Fulgi d’Aspremont, issu d’une famille qui a des contacts avec le Vatican. Celui-ci n’a jamais reconnu son enfant. Apollinaire va monter une légende autour du mystère de l’identité de son géniteur, il va aller jusqu’à soutenir qu’il est un haut fonctionnaire ecclésiastique, archevêque même.
Apollinaire Kostrowitzky, d’illustre ascendance aristocratique, quitte le domaine familial, aux environs de Minsk, pour participer à la guerre de Crimée. Blessé en 1855 lors du siège de Sébastopol, l’officier, pensionné désormais par le tsar, se marie à une jeune italienne, Julia Floriani. Celle-ci lui donne une fille prénommée Angelina Alexandrina, en 1858, née en Finlande. Commence à cette époque pour les Kostrowitzky une longue période d’errance, de dénuement, de mésentente conjugale, en Europe.
En 1865, la famille quitte la Pologne en raison de la situation politique et vient s’installer en Italie car le père avait droit à un poste honorifique au Vatican. Il y élève Angélique dans un couvent aristocratique de haute réputation. Elle en sortira avec un tempérament fougueux et sensuel : très vite, elle vole de ses propres ailes et mène dans les salons de Rome et d’ailleurs une vie de luxes et de plaisirs, allant de casinos en casinos en compagnie de son amant, dépensant énormément et empruntant à toutes les bourses. Un des frères de Francesco, le père d’Apollinaire, pour mettre terme au scandale le convainc en 1885 de s’expatrier, un de ses arguments principaux étant une somme rondelette, qu’il va dépenser avec Angélique avant de disparaître. Guillaume reste donc seul avec sa mère : on peut imaginer à quel point l’absence d’un père a été un événement traumatisant qui a pu avoir des conséquences graves sur le plan psychologique.
En 1887, Angélique quitte Rome et s’installe à Monaco avec ses deux enfants. Notons que Monaco dépend de l’administration ecclésiastique. On se retrouve à nouveau dans un milieu ecclésiastique.


En 1888, les enfants sont inscrits au collège Saint-Charles de Monaco fréquenté par les enfants de l’aristocratie. (On en retrouve le souvenir dans Zone : Ta mère ne t’habille que de bleu et de blanc. En effet, les élèves du collège St-Charles avaient l’habitude était de s’habiller en costume marin.). Son arrivée suscite un chahut à cause de son nom insolite : Wilhelm de Kostrowitzky. Il deviendra très vite le "leader" de la classe. Il a déjà un projet littéraire : il médite un roman du type de ceux de Jules Verne, lequel était beaucoup lu par les jeunes de l’époque.

En 1896, le collège ayant fermé ses portes, Apollinaire et inscrit au collège Stanislas de Cannes, puis au lycée de Nice. Il a le don de sympathie et se lie avec des amis qu’il conservera toute sa vie, notamment René Dupuy devenu sous le nom de René Dalize un littérateur peu connu (évoqué dans Zone) Il s’intéresse à la poésie et écrit sous le nom de Guillaume Macart. Il a trouvé sa vocation : jugeant superflu de poursuivre ses études, ce collectionneur de prix d’excellence quitte le lycée sans passer le baccalauréat. À cette époque, il se veut anarchiste et dreyfusard.

Les choses se gâtent, Angelica mène une vie brillante mais précaire sur le plan financier : elle n’a pas de métier et vit du jeu et des libéralités de ses protecteurs. L’un deux, Jules Weil, un israélite né à Strasbourg en 1969, passe aux yeux d’Apollinaire pour son oncle Jules. Sans doute à cause de problèmes financiers, Angelica quitte Monaco. Après un bref séjour à Aix-les-Bains, la famille se rend à Lyon (où il va beaucoup lire) puis à Paris. Le séjour est trop bref pour qu’Apollinaire puisse y fréquenter les milieux littéraires, en revanche, il y fréquente assidûment la bibliothèque Mazarine et se fait même remarquer par le conservateur. (Une des habitudes d’Apollinaire était, dès son arrivée dans une ville, de s’inscrire dans une grande bibliothèque ; il a toujours cultivé l’amour des livres, surtout des livres rares.)


La famille se rend à Spa, ville thermale réputée pour son casino : Angelica veut se "refaire" mais elle n’aura même pas l’occasion d’essayer car la carte d’entrée lui est refusée. Elle manifestera un aimable indifférence pour ses enfants puisqu’elle réintègre Paris en les laissant à Stavelot en pension à l’auberge du Sieur Constant (aujourd’hui l’Auberge du Mal-aimé). Les deux frères y passent d’excellentes vacances, ils parcourent les Fagnes. Guillaume y aura une brève idylle avec Marie Dubois ou Mareye (une des innombrables Marie qu’on trouve dans son œuvre), la fille d’un cafetier. Ils ont coutume de se rencontrer dans les bois et tout particulièrement à la Pierre du Diable où Guillaume lui donne rendez- vous. Il compose pour elle des poèmes dont beaucoup sont perdus. Au bout de trois mois, ils ne disposent plus d’argent pour payer la note, écrivent à leur mère pour savoir que faire, et sur ses conseils quittent la pension de nuit et réintègrent Paris, où Madame de Kostlowitzky, sous le nom d’Olga Karpoff, les attend dans un meublé de la rue de Constantinople. Cet épisode montre encore une fois combien l’attitude da la mère est loin d’être exemplaire. Le sieur Constant, gérant de la pension, introduira une plainte pour les trois mois non payés, Angelica se verra finalement contrainte de le rembourser. De ce séjour à Stavelot, subsistent un certain nombre de papiers connus par les érudits sous le nom des Cahiers de Stavelot .

Guillaume cherche en vain un emploi de bureau. Étranger, Guillaume ne peut songer à entrer dans l’administration. Sans diplômes ni qualification professionnelle, il ne trouve pas d’embauche. Il sert de "nègre" à un certain Esnard, feuilletoniste à court d’imagination, mais ne parvient pas à se faire payer son travail. Enfin, une petite annonce lui procure un médiocre emploi chez un remisier.
Cependant la poésie et la littérature ne cessent de l’occuper. A la Bibliothèque Mazarine, il entre en relations avec l’érudit Léon Cahun, oncle de Marcel Schwob et auteur de romans historiques. Il propose à un directeur de théâtre une comédie en un acte, A la cloche de bois, dont son départ furtif de Stavelot lui a probablement donné l’idée.

Pour survivre, il écrit des romans pornographiques dont en 1901 Mirely ou le petit trou pas cher.

Igor "Kostro" comme l’appellent ses camarades, dédie quelques poèmes à la sœur de l’un d’eux, Mademoiselle Linda Molina, jeune fille de dix-sept ans, qu’il s’efforce, sans succès, de séduire. Il compose un roman, la Gloire de I’Olive, mais en égare le manuscrit dans un train, entre Paris et le Vésinet, où sa mère loue une villa appartenant à un artiste lyrique, Charles-André Royer, et y vivant avec Jules Weil, employé à la Banque de l’Ouest, place du Havre, face à la gare St-Lazare et son plus jeune fils, Albert.

En 1901, Apollinaire fait connaissance de la vicomtesse de Milhau, issue d’une riche famille de Cologne, qui possède de grandes propriétés. Lors d’un voyage en France, elle cherchait un précepteur pour sa fille de neuf ans. Guillaume accepte le poste moins pour l’emploi en lui-même que par amour pour la gouvernante anglaise de la fillette, Annie Playden, fille d’un pasteur puritain. Ils s’installent dans une villa très "kitch" ornée de faux colombages appelé "Le Nouveau bonheur" (Neu Glück) et situé dans le cadre très romantique de la Rhénanie. Il fait assidûment la cour à Annie, vivement choquée par le comportement d’Apollinaire. Il lui fait une demande en mariage au lieu dit "les 7 montagnes" (lieu mythique où Siegfried aurait tué le dragon). Il commence par essayer de l’impressionner avec son titre de noblesse, évoque sa "grande fortune", mais rien ne semble convaincre la jeune fille. Alors il en vient à la menacer et lui fait comprendre qu’il pourrait facilement expliquer un accident si on retrouvait son corps au pieds des falaises. On voit ici apparaître clairement ce côté frénétique qui révèle un sérieux contraste dans sa personnalité.

Apollinaire jouit de loisirs importants : il en profite pour faire quelques excursions en Allemagne et visite Cologne, Munich, Hanovre, Berlin, Dresde, Prague, Vienne,... ; Il continue ses activités littéraires : il collabore à la revue Grande France, revue internationale qui vise à établir des liens entre la France et les Français exilés dans d’autres pays. Apollinaire s’occupe de la rubrique franco-allemande. Il y voit également publier trois poèmes à Linda et publie l’Hérésiaque et Cie dans la Revue blanche.

Le 24 août 1902, il ne renouvelle pas son contrat et rentre à Paris retrouver sa mère et son frère à Paris, 23, rue de Naples, et trouve un modeste emploi dans une banque de la rue de la Chaussée d’Antin.

Apollinaire donne des vers à La Plume et prend part aux soirées littéraires qu’organise cette revue dans un café de la place Saint Michel, le Soleil d’or (aujourd’hui café du Départ), y rencontre beaucoup d’écrivains, dont quelques-uns (Alfred Jarry, Eugène Montfort, André Salmon) deviennent vite ses amis.

Apollinaire fonde en octobre 1903 sa propre revue : Le festin d’Esope, revue des belles-lettres.
Entre mars et avril 1904 il y fera paraître L’Enchanteur pourrissant, à l’exception du dernier chapitre. Tirée en peu d’exemplaires (une centaine seulement), l’édition originale publiée chez Henry Kahnweiler en 1909, est accompagnée de gravure sur bois de Derain. Le livre est né dans un monde artistique et bénéficie de l’appui d’Henri Kahnweiler, amateur d’art, collectionneur, et directeur de galerie. L’ouvrage a même bénéficié d’un prospectus qui annonçait le livre aux lecteurs ; c’est Apollinaire lui-même qui l’a rédigé : Un des livres les plus mystérieux et lyrique de la nouvelle génération littéraire, c’est un livre dont les racines s’étendent très loin, jusqu’aux racines celtiques. La source de son inspiration , à son invite, est à aller chercher dans les romans bretons : le livre est centré sur Merlin l’enchanteur, un barde, un prophète inspiré, compagnon du roi Arthur, il serait né d’une nonne et d’un démon mais le baptême l’aurait arraché au diable.
Apollinaire fait deux voyages en Angleterre dans l’espoir de récupérer Annie Playden, le premier en novembre 1903, le second en mai 1904. Lors de son deuxième voyage à Londres, il propose à Annie de l’enlever si ses parents ne consentent pas au mariage. Mais le pauvre Guillaume se fait des illusions en croyant la jeune fille disposée à s’unir à lui. Annie l’éconduit et effrayée devant l’acharnement de son soupirant choisit la fuite en acceptant un poste de gouvernante en Amérique. Cet échec inspirera à Apollinaire La Chanson du Mal-aimé.
De cette période, on retrouve surtout une production littéraire de type "alimentaire" et correspondant à un intérêt pour la littérature érotique : il est le premier auteur d’une anthologie sur le Marquis de Sade et prévoyait déjà dans son analyse le succès à venir de celui-ci au XXème siècle. Il publie deux romans érotiques : Les Onze mille verges (1906) et Les exploits du jeune don Juan (1911)

Apollinaire s’intègre dans un milieu artistique : toujours en 1903, il se lie avec Picasso et Max Jacob, devient un familier des artistes qui gravitent autour de Montmartre et de la bande du "Bateau lavoir" (où Picasso avait son atelier), il fréquente Modigliani, Braque, Vlaminck, Matisse, Le Douanier Rousseau ... Parmi ces artistes, il tombe amoureux de Marie Laurencin, qu’il loue sur tous les tons dans ses chroniques artistiques et à qui l’unira au cours des cinq années suivantes une liaison orageuse et discontinue.. Henri Rousseau, dit le Douanier Rousseau représentera leur couple dans La Muse inspirant le poète. Apollinaire a le nez fin et distingue très vite lesquels seront les maîtres de demain. Sur le plan littéraire, il est en pleine mutation et se rapproche du groupe de l’abbaye (Duhamel, Vildrac, et Arcos) et Jules Romains lui dédie Puissances de Paris.

En 1907 il s’installe au pied de la colline de Montmartre auprès de ses amis peintres.
En 1908, dans la Phalange, il expose un nouveau programme poétique, c’est l’époque d’Onirocritique où les images vivent en liberté, les liens causaux sont distendus, on voit apparaître des connotations simultanées, ... Apollinaire se convertit aux nouvelles tendances artistiques de son temps.

En 1911, Géry Piéret, collègue d’Apollinaire au Guide du rentier, vole au Louvres un buste hispanique et le dissimule chez Apollinaire. Deux mois plus tard, en août, c’est la Joconde qui disparaît. Guillaume en découvrant l’origine de la statuette prend peur et charge Paris-Journal de la restituer. Les médias ne manquent pas l’occasion et entourent la restitution d’un grande publicité, ce qui aura des effets désastreux car elle souligne l’insécurité du Louvre. La police réagit, une enquête a lieu et Guillaume est arrêté et incarcéré à la Santé sous l’inculpation de recel d’objets volés. Géry Piéret écrit au juge d’instruction pour innocenter Apollinaire ; une pétition demande sa libération. Apollinaire est relâché après une semaine de détention. Cette expérience le laisse plein d’amertume : la presse s’est déchaînée sur lui (On peut lire des manchettes qui titrent : Le Polonais Kostrowitsky à la tête d’une bande de voleurs internationale d’œuvres d’art. Dans l’Œuvre, hebdomadaire de Gustave Téry, Urbain Gohier le présente comme un pornographe et un métèque.) ; sa photo paraît alors dans la presse. Il provoque son déménagement, certains de ses amis l’ont lâché, et cette aventure n’est pas étranger à la fin de sa liaison avec Marie Laurencin... et, sans doute, à son engagement volontaire en août 1914. Le poète, qui n’a pas encore été mis hors de cause dans l’instruction ouverte pour le vol de statuettes, craint de se voir expulsé de France.

Malgré son innocence dans cette histoire, son propriétaire de la rue Gros préfère en effet se délester d’un artiste à qui il arrive pareille mésaventure, et Apollinaire s’installe 10 rue La Fontaine fin 1911. Pour le remettre en selle, ses amis rachètent une revue, Les Soirées de Paris, et lui en confient la direction. Après le café de Flore, les comités de rédaction se déroulent 278 bd Raspail en 1912-1914. Peu à peu, Marie et Guillaume s’éloignent. Il est hébergé par des amis, en particulier les Delaunay, 3 rue des Grands-Augustins. Les deux amants se revoient encore, mais sans vraiment se réconcilier. Marie épouse un peintre allemand en 1914.

En 1913, Apollinaire accompagne à Berlin Robert Delaunay qui expose à la galerie allemande Der Storm (La tempête) qui représente un mouvement culturel allemand organisé autour d’une revue du même nom. A l’aube de la première guerre mondiale, on voit donc des membres de l’intelligentsia française et allemande refusaient la fatalité de la guerre qui va bientôt séparer les deux cultures. Apollinaire fait une conférence à Berlin : il évoque l’interprétation de la peinture et de la poésie. Certains considèrera cela comme une propagande pour le cubisme qui n’est pas encore reconnu à l’époque par les instances de consécration.

Cette même année 1913, Apollinaire publie les Méditations esthétiques sur les peintres cubistes. Le titre témoigne d’une réflexion sur la production esthétique du siècle qu’il tend à mettre en parallèle avec sa propre production. L’ouvrage manque de recul : Apollinaire est trop impliqué dans la mouvance pour savoir apprécier toute l’importance du cubisme. Il cherche à théoriser et trouve un terme pour caractériser sa poésie qu’il qualifie d’"orphique", c’est-à-dire relevant de l’orphisme, terme emprunté à la peinture : il entend par-là que le peintre ne doit pas représenter les éléments empruntés à la réalité visuelle mais des éléments nouveaux entièrement créés par lui. Deux idées contradictoires cohabitent dans sa définition de l’orphisme : pour lui, il s’agit donc d’un art de conception qui plaide en faveur de la construction, certes, mais par ailleurs, il dit ne pas emprunter d’éléments à la réalité extérieure mais cette dernière partie ne concorde pas du tout avec sa production : Apollinaire est avant tout un poète visuel. Il existe donc un hiatus entre son programme et l’application qu’il en fait, il ne parvient pas à distinguer clairement ce qu’il fait de ce qu’il veut.

Apollinaire s’installe en 1913 dans un appartement au dernier étage du 202 bd Saint-Germain, où il vivra jusqu’à sa mort en 1918. C’est une enfilade de petites pièces reliées par des couloirs encombrés de livres, de statuettes et de tableaux. Une toute petite terrasse domine les toits de Paris.

C’est là qu’en voisin (il habite alors 4 rue de Savoie), Blaise Cendrars vient travailler avec lui sur le projet d’une revue commune, Zones, qui ne verra pas le jour. Au passage, Cendrars lui suggère de choisir le titre Alcools plutôt qu’Eaux-de-Vie pour le recueil de poèmes qu’il prépare... Bientôt, les deux amis s’éloignent. Alcools paraît en 1913 et popularise des innovations reprises ensuite par d’autres : la suppression de la ponctuation et les calligrammes, ces poèmes-dessins. C’est encore trop moderne pour la critique et le public, excepté certains dont les futurs surréalistes.

Le 31 juillet 1914, c’est la mobilisation générale. Rapidement il exprime le désir de s’engager. Dès le 10 août il signe à Paris une demande d’engagement mais on ne l’accepte pas car il est suspect parce qu’étranger. On se rappelle qu’Apollinaire soufre d’un complexe de bâtardise, en s’engageant il pense pouvoir conquérir la reconnaissance qui lui était refusée.

Le mois suivant, en septembre, il se rend à Nice et s’enflamme pour une aristocrate, Louise de Coligny-Châtillon. On la retrouve dans la poème C’est Lou qu’on la nommait (dans la sous-section Etendards de Calligrammes et bien sûr dans les Poèmes à Lou dont les poèmes ont été écrits entre octobre 1914 et septembre 1915. Lou livrera ce que les poèmes qu’Apollinaire lui avait écrit. En 1947 paraît une édition incomplète de six poèmes sous le titre, emprunté à une lettre d’Apollinaire à Lou : Ombre de mon amour. Une édition intégrale paraît en 1955. C’est une jeune fille coquette, capricieuse, allumeuse, elle le fait marcher, il s’en rend vite compte et envisage de la laisser tomber.

Fin novembre à Nice il fait une nouvelle démarche pour s’engager. Cette fois, il est accepté. Le 5 décembre 1914, le poète est incorporé au 38ème régiment d’artillerie de campagne à Nîmes. Deuxième cannonier-conducteur, il est admis à un peloton d’élève-officiers créé à l’intérieur du régiment. Avant son départ, Lou lui accorde quelques jours d’amour fou dont il se souviendra sur le front et imaginera le reste. Apollinaire entamera alors une correspondance qui va se poursuivre pendant toute la durée de la guerre. Du front, il lui écrit des lettres enflammées, avec parfois un contenu érotique assez prononcé, mais produit de son imaginaire puisqu’il n’y a pas de contact réel et s’explique justement par la privation prolongée de femmes et nous savons qu’il ne peut pas s’en passer ! Ces lettres comportent également un témoignage sur les conditions de vie au front : la correspondance peut en effet faire office de journal de guerre.
Le 2 janvier 1915, au retour d’une permission qu’il passe à Nice avec Lou, Apollinaire rencontre dans le train, entre Nice et Marseille, une jeune fille, Madeleine Pagès. Celle-ci est institutrice primaire en Algérie. Il a le coup de foudre et ses sentiments pour elle se superposent à ceux qu’il nourrissait déjà pour Lou. Il n’y a donc pour lui aucun conflit et il continue à composer des poèmes dont l’inspiration est identique (c’est le même processus que l’on retrouve dans les différentes Marie qu’il a connu). L’ensemble forme donc un mélange sentimental qui ne différencie pas les inspiratrices, il existe entre elles un continuum unificateur.
Le 4 avril 1915 enfin, c’est le grand départ pour le front. Deux jours plus tard, il est à Mourmelon-le-Grand. Brigadier, Apollinaire est désigné comme agent de liaison. Son régiment est ensuite transféré aux Hurlus, puis près de Perthes. Le 10 août, à la suite d’un échange de lettres quasi quotidien, Apollinaire adresse à la mère de Madeleine Pagès, une demande en mariage, qui est agréée, sans difficulté. Nommé maréchal des logis le 24 août, il occupe à présent les fonctions de chef de pièce. Le 1er novembre 1915 cependant, pour pallier au manque d’officiers dû aux pertes, Apollinaire est transféré dans l’infanterie comme sous-lieutenant et est affecté, le 20 novembre, au 96ème Régiment de ligne. En première ligne, il connaît à présent la vie des Poilus, dans la tranchée, face à l’ennemi. Ayant obtenu une permission, l’officier est à Oran, chez Madeleine Pagès depuis le 26 décembre jusqu’au 11 janvier 1916. A son retour d’Algérie, Apollinaire s’arrête quelques heures à Paris, entre deux trains. Il y revoit sa mère à qui il fait part de son projet de mariage. Le 12 janvier : il rejoint son régiment, alors au repos à Damery, près d’Épernay. Le 22 janvier : son unité, qui bivouaque à la Ville-en- Tardenois, prend part à des manœuvres, en seconde ligne. Les 1er et 2 février, une permission de 48 heures ramène Apollinaire à Paris, dont l’atmosphère lui paraît peu accordée à la gravité du moment. Début de mars : il passe deux jours dans Reims bombardée. Le 9 mars, il prend connaissance de la publication de son décret de naturalisation.
Le 14 mars 1916, l’officier monte en ligne avec son unité au Bois-des-Buttes, dans le secteur de la vallée de l’Aisne, au nord-ouest de Reims.

Le 17 mars vers 16 heures, 8 jours après avoir obtenu la nationalité française, un éclat d’obus de 150 après avoir percé son casque, le blesse à la tempe alors qu’il lisait le dernier exemplaire du Mercure de France. Cet exemplaire maculé de sang et le casque d’Apollinaire ont été conservé, faisant partie du mythe du poète assassiné. Le 18 mars, évacué par l’ambulance la plus proche, le blessé est opéré à 2 heures du matin, car un abcès provoque des paralysies partielles, et son état nécessite une trépanation. Une incision en T permet d’extraire plusieurs petits éclats de la région temporale. Le 20 mars, Apollinaire est dirigé sur l’Hôtel - Dieu de Château-Thierry. Le 28 mars, il est évacué vers le Val-de-Grâce. Le 10 avril, sur sa demande, il passe du Val-de-Grâce à l’hôpital italien du Quai d’Orsay, où son ami Serge Férat est infirmier. Au cours de cette période difficile, Apollinaire s’éloigne de Madeleine Pagès. Il restera handicapé jusqu’à sa mort. Il est affaibli physiquement suite à l’inhalation sur le front des gaz asphyxiants. Fin avril : sa plaie s’est à peu près cicatrisée, mais des évanouissements et une paralysie partielle du côté gauche alarment ses médecins. Ses amis Briffaut publient sous leur firme " l’Édition" le Poète assassiné, où Apollinaire avait rassemblé la plupart des nouvelles et des contes écrits par lui depuis l’Hérésiarque et Cie.

Le 9 mai : transporté à la villa Molière, boulevard de Montmorency, à Auteuil, Apollinaire y est trépané par le docteur Baudet. Le 11 mai, par télégramme, Apollinaire informe Mademoiselle Pagès que l’opération qu’il vient de subir s’est effectuée dans d’excellentes conditions. En fait, et sans l’avouer nettement, il a dès lors renoncé au projet de mariage conçu sur le front.
Comme en témoignent ses amis, la guerre l’a changé : il est irascible, difficile, et soufre de trouble de la mémoire. Et comme il l’écrit le 23 novembre 1916 dans sa dernière lettre à Madeleine, il est las et très différent de ce qu’il était. En août, il reprend néanmoins contact avec les milieux littéraires et artistiques, collaborant à Excelsior, Nord-Sud, créée par Pierre Reverdy en 1917 (la revue s’éteint en mai 1918), SIC, créée en 1916, L’Information... Il réunit ses compères le mardi au café de Flore ; il rencontre Breton et lui présente Philippe Soupault.
Le 26 octobre 1916, Le poète assassiné est publié à la Bibliothèque des Curieux. Le 31 décembre 1916 a lieu au Palais d’Orléans un banquet en son honneur. Y sont conviés une série d’artistes et d’écrivains. La fête dégénèrera en chahut d’étudiant. Au dessert, fort animé, les plus jeunes convives bombardent de boulettes de mie de pain la table des vétérans où siègent Rachilde, Henri de Régnier, André Gide, Paul Fort, etc. Ni Madame Aurel ni Paul-Napoléon Roinard ne peuvent faire entendre les allocutions qu’ils avaient préparées.

Le 26 novembre 1916, Apollinaire prononce au Théâtre du Vieux-Colombier une conférence ayant pour titre L’Esprit nouveau et les Poètes. Il s’y montre favorable aux nouveaux modes d’expression mais refuse d’ignorer la vieille tradition française.

Le 24 juin 1917, sa pièce Les Mamelles de Tirésias est jouée au théâtre Renée-Maubel à Montmartre. Apollinaire lance à cette occasion le terme "surréaliste", appelé à un bel avenir. La pièce, bien sûr, crée un beau scandale.
Toujours tenu par ses obligations militaires, le poète était affecté au Bureau de Censure, jusqu’en avril 1918, moment où le ministre des Colonies Henri Simon le prend à son service dans son cabinet. Le 1er janvier 1918, Apollinaire est atteint d’une congestion pulmonaire. Hospitalisé à la villa Molière, transformé en hôpital, le poète y demeurera deux mois.

Le 2 mai 1918, il épouse Jacqueline Kollo, son dernier amour, à Saint-Thomas d’Aquin.
Le 15 avril 1918 le Mercure de France publie Calligrammes qui porte la date 1913-1918 afin de marquer sa continuité avec Alcools.

Le 9 novembre 1918, à 17 heures, atteint de la grippe espagnole Apollinaire meurt (affaibli par la guerre et à une époque où les antibiotiques n’existent pas) deux jours avant l’armistice.
Le 13 novembre alors que Paris est encore en pleine liesse, il est enterré au Père-Lachaise.
Dans le cortège on distingue Picasso, Cocteau, Max Jacobs, Salmon Cendrars, Derain...
En 1919, les derniers Kostrowitzky disparaissent. La mère d’Apollinaire s’éteint le 9 mars. Albert, frère du poète, fixé depuis plusieurs années au Mexique, meurt quelques mois plus tard.

Bibliographie


L’Enchanteur pourrissant (1899/1904)
Mirely ou le petit trou pas cher (1901)
Rhénanes (1901/02)
Les Mamelles de Tirésias (1903/18)
Les Mémoires d’un jeune Don Juan (1905)
Les Onze mille verges (1906)
La Chanson du Mal-Aimé (1909)
La Poésie symboliste (1909)
L’Hérésiarque et Cie (1910)
Le Bestiaire ou Cortège d’Orphée (1911)
Les Peintres cubiste (1913)
Alcools (1913)
Les Méditations esthétique (1913)
L’Antitradition futuriste (1914)
Le Poète assassiné (1916)
L’Esprit nouveau et les Poètes (1917)
Vitam impendere amori (1917)
Le Flâneur des deux rives (1918)
Calligrammes (1918)
Le Guetteur mélancolique (posth. 1952)
Poèmes à Lou (posth. 1955)
Poèmes retrouvés (posth. 1956)











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le tombeau Apollinaire au cimetière du Père Lachaise à Paris









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